lundi 4 avril 2011

Disparition de Jorge Camacho (1934-2011)




Il était le dernier illustrateur en date de Rodanski, auteur d'un frontispice pour l'édition originale de Requiem for Me (Éditions des Cendres, 2010)

La mort du peintre Jorge Camacho, surréaliste et cubain

Paulo A. Paranagua, journaliste au Monde, son blog ici.

Jorge Camacho est mort à Paris, le mercredi 30 mars 2011. Il était l'une des ultimes « découvertes » picturales d’André Breton. Son ouvrage Le Surréalisme et la Peinture (Ed. Gallimard), publié en 1965 un an avant sa mort, compte parmi ses tout derniers ajouts le texte « Brousse au-devant de Camacho ».

Né à La Havane le 5 janvier 1934, Jorge Camacho s’installe à Paris en 1959 et prend contact avec le sculpteur cubain Agustin Cardenas, fort apprécié par Breton.
Peintre, dessinateur, graveur, poète parfois, plus tard photographe, Camacho s’intègre au groupe surréaliste, participe à ses expositions, collabore à de nombreux ouvrages.

Les figures et les couleurs de Camacho lui sont personnelles, d’autant que ses principales influences proviennent d’autres univers, comme l’alchimie, l’occultisme, la littérature (Raymond Roussel, Sade, Bataille, Panizza).

Son bestiaire ne ressemble à aucun autre, même si Bosch pourrait être invoqué. Les pattes d’insectes, les ossements et les becs d’oiseaux prolifèrent, mais s’incarnent sous des formes que la nature n’imite pas. Il y a aussi un climat énigmatique, oppressant, aux architectures ésotériques, aux lignes fuyantes n’ayant qu’un lointain rapport avec De Chirico. Les couleurs pastel coexistent avec une palette sombre.

Au temps où les surréalistes se réunissaient à la Promenade de Vénus, Camacho lui-même avait une belle tête d’oiseau, mâchant sa pipe avec un sérieux à toute épreuve, plutôt discret, mais ne refusant aucun jeu ou activité collective.

Lorsqu’il bavardait avec Vincent Bounoure, un de ses principaux interlocuteurs, on avait l’impression d’avoir atterri sur un nid d’aigles planant très au-dessus des mortels.

Chez lui, à Neuilly, auprès de sa compagne espagnole Margarita, le visage changeait comme si retrouver l’usage de la langue maternelle le déridait instantanément. Il était pourtant un lecteur infatigable, un érudit à force d’assimiler et de s’inspirer d’autres mondes imaginaires.

Camacho a joué un rôle effacé lors de la présentation du Salon de Mai à La Havane, en 1967, derrière la figure tutélaire de Wifredo Lam et le principal organisateur, Carlos Franqui. A l’issue du voyage, les surréalistes avaient signé un texte « Pour Cuba », publié dans la revue L’Archibras n° 3, en mars 1968.

Cinq mois plus tard, le soutien de Fidel Castro à l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie déstabilisait le groupe surréaliste et lançait une controverse qui allait le miner (Alain Joubert l’évoque dans son livre, Le mouvement des surréalistes, éd. Maurice Nadeau, 2001).

Camacho rapportait de son séjour à Cuba un manuscrit de Reinaldo Arenas, l’écrivain dissident à peine connu alors.

Un des premiers ouvrages consacrés à l’œuvre du peintre, édité à Barcelone en 1979, était signé par Carlos Franqui. Il contenait trois sonnets d’Arenas et trois lettres de José Lezama Lima adressées à Camacho : trois personnalités de premier plan de la culture cubaine contemporaine.

Jusqu’au bout, Jorge Camacho est resté surréaliste et cubain.

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