jeudi 19 décembre 2013

Je suis parfois cet homme - Extraits

Cendre de nuit
Neige de vérité
pure comme l’aimant de fer bleu
Onde de l’aurore qui baigne une plage sainte !
Les temps sont venus où le temps s’oublie

J’ai vécu de la chair des sourires
J’ai bu la lumière que d’autres adorent
Et le sable de ma vie s’est égoutté des régions profondes
Mais au repli de moi-même
d’un creux vierge et ignoré
Sourd un murmure comme d’un lait premier coulant dans les ténèbres
Un murmure d’au-delà comme la grande mer qui habitait mon être d’avant les époques
Le flot mélodieux de la mort a ouvert mes yeux d’amour








La traversée nocturne du héros est une morne croisière
Le navire est parti du port sans retour
Il voguera longtemps sur la mer de ténèbres
Dans les passes interdites des épaves dérivent désespérément
Les naufrageurs allument des feux arbitraires
Sur une côte où chantent des marins morts

Passage de la flottille sidérale
J’ai longtemps écouté les chants cadencés des sondeurs
Mais le poids est tombé en des fonds ignorés
Les marins ont oublié la terre et le sommeil qui les engendre
Mon vaisseau s’est échoué sur une plage que défend l’aube abolie

Sur les berges d’un fleuve d’oubli
J’ai guetté parmi des compagnons abandonnés du temps
Sous le casque de fer nos visages sont ravagés d’attente

L’horizon fictif est immuable
Comme l’éternité d’une destinée arrêtée ici

Ô compagnons – sentinelles d’un royaume où commence le rêve
Quels vents venus du désert ont séché sur vos bouches les mots d’espoir ?
Cessez d’inutiles vigiles dans la tour que menace l’ombre
Vassaux des rois morts
Quittez cette contrée de volcans éteints
Traversez les terres intérieures
Des femmes prisonnières du sommeil vous attendent
Du rivage opposé vous contemplerez la mer
Que vos navires n’ont pas su trouver






VENDREDI 13


Heure d’attente et soir de pluie
Miroir donné en gage
Vitre brisée à cœur ouvert
Roseraie de rouges-gorges égorgés
Agonie de l’agneau saigné à blanc sur un glacier
Les heures me tressent en secret une couronne de fil de fer barbelé
À l’angle des trois arpents de contreplaqué
D’une nuit intime et sans répit
Je couve le feu sous la cendre des lions
J’attise un brasier de vipères
D’où naîtront les poissons ardents de la destruction

Les rapaces rôdent et ma tête tourne
La terre me tourne et me crève les yeux
De toutes parts le gouffre est de Voir
Cette volière d’oiseaux des îles de la nuit
Ces points de feu qui montent en épingle
Une roseraie de rouges-gorges égorgés
Un espalier de vin dans l’ivresse
La jouissance ambiguë des couronnes d’aubépines
Tirée à quatre épingles sur des lits de ronces
Des lits d’ivresse triviale en marge des chemins de croix

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